Justin Picard, CEO de ScanTrust : «En Suisse, la question de l’international ne se pose pas.» (2024)

Justin Picard est le CEO de ScanTrust, une start-up de l’EPFL dont la mission est de combattre la contrefaçon grâce à une solution d'authentification unique. Il y a peu, sa jeune entreprise a clôturé une première levée de fonds à hauteur de 1.2 millions de dollars. Elle a également réussi son entrée sur le marché chinois, où les consommateurs sont très sensibles au problème de la contrefaçon. Paradoxalement, la Chine est également le principal producteur de faux dans le monde.

Le problème de la contrefaçon n’est pas nouveau. Comment ScanTrust permet-elle de lutter efficacement contre cet enjeu mondial?
Notre solution permet aux consommateurs de scanner un produit avec leur smartphone afin de vérifier son authenticité. Il existe bien sûr déjà des technologies pour lutter contre la contrefaçon, mais elles ne sont pas à la portée de tous. Elles nécessitent p.ex. des scanners à plat, des microscopes USB ou des téléphones portables avec des optiques adaptées. Avec les smartphones d’aujourd’hui, ces optiques spécialisées ne sont plus indispensables si les algorithmes de traitement sont bien optimisés. Je précise qu'il existe plusieurs solutions destinées au consommateur, mais ces dernières n'ont pas de protection contre la copie, comme les codes à gratter envoyés par SMS ou les codes-barres en 2D. Notre idée a donc été d’intégrer une sécurité forte dans un format familier pour l’utilisateur et la chaîne de distribution: le QR code. En particulier, notre solution permet d’insérer des éléments graphiques de sécurité à l’intérieur d’un QR code afin que l’authentification se déroule en temps réel. Il suffit simplement de scanner le produit avec son smartphone, muni de l'application ScanTrust ou de celle de la marque, pour vérifier sa provenance.

Comment allez-vous changer les habitudes des consommateurs?
Avec les progrès technologiques actuels, il est très facile de faire des copies visuellement identiques des produits de marque, évidemment sans respecter les standards de sécurité et de qualité. La Chambre de Commerce Internationale estime d’ailleurs à 1,7 trilliards de dollars la valeur marchande des contrefaçons qui seront vendues en 2015, et tous les produits de marque sont touchés. Les méthodes utilisées actuellement par les gouvernements et les entreprises pour lutter contre la contrefaçon ne sont malheureusem*nt pas de taille face à l'ampleur de ce crime organisé. En effet, un nombre limité d’intervenants est en mesure de vérifier l’authenticité des produits, et qui plus est, dans un marché globalisé. Avec ScanTrust, chacun peut potentiellement vérifier l’origine d’un produit, et donc consommer d’une manière sereine. Même si l'utilisation est limitée aux intervenants de la chaîne de distribution, notre solution est beaucoup plus pratique et moins coûteuse à déployer que les solutions concurrentes.

Quelle est la valeur ajoutée de votre solution pour vos clients, les marques?
Notre technologie permet aux marques de renforcer leurs relations de confiance avec les consommateurs, ces derniers ayant les moyens de vérifier l’authenticité des produits eux-mêmes, d’une manière simple et transparente. Ainsi, les marques deviennent garantes de la sécurité de leurs produits. Il est vrai que les consommateurs sont parfois complices lorsqu'ils achètent, en toute connaissance de cause, un faux sac à main par exemple. Mais nous visons les contrefaçons qui peuvent toucher à la santé ou la sécurité des personnes, comme les médicaments, les pièces détachées, l’alimentaire, etc. Dans ce cas, les consommateurs ont tout intérêt à vérifier l’authenticité d’un produit avant de s'en servir. Et les marques, à traiter le problème de manière proactive. C’est là que notre mission prend tout son sens.

Pourquoi as-tu choisi ce domaine d’activité?
J'ai effectué un Post-doc dans le domaine de la sécurité des images et je me suis pris de passion pour ce sujet touchant à une multitude de disciplines: traitement d'image et du signal, cryptographie, ingénierie de la sécurité, théorie des jeux, etc. Je travaille dans ce domaine depuis 15 ans maintenant. Je trouve fascinant que de nouvelles approches en sécurité des images, combinées aux avancées de la téléphonie mobile, puissent apporter une solution à un problème vieux de quelques milliers d'années - et jamais résolu.

Tu as récemment levé 1.2 millions de dollars de plusieurs investisseurs. Raconte-nous comment tu as vécu cette aventure.
Ceux qui m’avaient averti du fait qu’une première levée de fonds est toujours plus longue et plus difficile que prévu n’avaient pas tout à fait tort (rires)! Pour lever une somme suffisante, il faut en général faire appel à plusieurs investisseurs différents et faire en sorte qu’ils soient tous d’accord sur les conditions d’investissem*nt. Cela peut rendre les négotiations assez complexes et il y a une complexité administrative non-négligeable. Il faut parvenir à créer un sentiment de rareté et d’urgence, car le temps qui passe profite aux investisseurs davantage qu’à la sartup! Avec notre lead investor AngelVest, un group de business angels basé en Asie, nous avons réussi à réunir un VC, SOS Venture, ainsi que des investisseurs basés sur trois continents, et dont certains sont des acteurs importants du domaine de l’impression. Je suis plutôt content du résultat!

Comment Scantrust va-t-elle utiliser les fonds réunis cette année?
Nous avons ouvert un bureau à Shanghai (mon associé Nathan Anderson y est d’ailleurs basé) et nous avons récemment engagé plusieurs personnes pour accélérer notre développement technique et commercial. Le développement de nos applications (SaaS et B2B) est assez complexe. Nous avons pu engager d’excellents product managers, développeurs Web et mobile, ainsi que des designers UI/UX. De plus, il est prioritaire pour nous de constamment amméliorer l’efficacité et la sécurité de nos algorithmes d’authentfiication. Pour cela nous venons d’engager un des spécialistes mondiaux dans le domaine de la sécurité des images.

Une année après sa création, ScanTrust a déjà une antenne à Shanghai. Quelle est l’importance du marché international pour une start-up comme la tienne?
En Suisse, la question de l’international ne se pose pas: le pays est tellement petit qu’il est nécessaire de franchir les frontières pour réussir. De plus, nos clients fabriquent et distribuent leurs produits au niveau mondial. Dans un premier temps, nous avons fait le choix de la Chine, ce qui nous permet aussi de couvrir l’Asie de l’Est. Être présents en Chine dès le début nous a paru essentiel car là-bas, les consommateurs sont très sensibles au problème de la contrefaçon. Ce pays est également le principal producteur de faux dans le monde et le relai de croissance principal des multinationales avec lesquelles nous travaillons. Nos premiers projets ont d’ailleurs débuté en Chine, et non pas en Suisse.

Combien ScanTrust compte-elle d’employés (Suisse et Chine), au début et maintenant?
ScanTrust compte 20 employés, dont 6 en Suisse qui se consacrent essentiellement au développement des fondamentaux de notre technologie (les algorithmes d’authentification), et 14 qui se consacrent à la commericalisation et aux développements informatiques à Shanghai. Shanghai est un énorme vivier de talents et les coûts sont sensiblement moins élevés qu’en Suisse.

En 2014, tu participais au Swisscom StartUp Challenge. Une année plus tard, quel regard portes-tu sur l’aventure?
Ce voyage m’a permis de comprendre comment ScanTrust devait se positionner par rapport au marché américain. J’ai également eu l’opportunité de rencontrer des chefs d’entreprise, qui ont connu un succès fulgurant dans le secteur IT. J’ai ainsi pu comprendre comment ces derniers réfléchissent et mettent leurs idées en pratique. Cette expérience a été très enrichissante: en Suisse, nous n’avons pas beaucoup d’exemples de ce type.

ScanTrust a remporté la finale Venture Kick et tu étais un venture leader USA en 2014. Selon toi, quel est l’impact de ces opportunités pour les start-up suisses?
Ces programmes sont essentiels car ils permettent aux start-up de se démarquer, mais aussi de gagner en visibilité et en légitimité auprès des clients et des investisseurs. C’est un lieu de réseautage par excellence. On y fait des rencontres parfois déterminantes. De plus, les différentes étapes de validation du programme Venture Kick permettent de mesurer sa progression et de recevoir un feedback aussi précis que pertinent de la part d’experts rôdés sur le terrain.

Fais-nous part de quelque chose sur toi, hors entrepreneuriat!
Comme j’ai trois enfants qui font du roller et de la trotinette, et que je passe pas mal de temps dans les skateparks avec eux, je me suis mis au skateboard il y a une année, à quarante et un an. C’est un peu rude et douloureux au début, mais je m’éclate!

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Author: Kieth Sipes

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